La bataille de Zama:
En septembre 202 avant J.-C., près de Zama, en Numidie, le consul Scipion affronte Hannibal et les Carthaginois pour une bataille dont doit dépendre le sort tu monde méditerranéen. En portant la guerre contre Carthage sur le territoire africain, Scipion joue avec la chance. Une défaite romaine à Zama pourrait bien anéantir pour toujours les desseins de Rome. Mais, grâce à la tactique originale qu'il adopte sur le champ de bataille, le jeune consul offre à sa patrie une victoire incontestable, qui lui assure une suprématie définitive sur la Méditerranée.
Sur proposition d’Hannibal les deux généraux se rencontrent, en tête à tête, à mi chemin de leurs troupes. Ils renvoient leurs escortes et pendant un long moment, s'entretiennent avec l'assistance d'interprètes. Le général Carthaginois propose au Romain de nouveau un traité de paix que Scipion et Sifax avaient discuté auparavant. Au refus de Scipion, qui considérait comme révolu le temps de la paix, ils se séparent et rejoignent chacun son camp.
Au matin du lendemain, les deux armées prennent position, prêtes à l’affrontement. Hannibal présente ses troupes d’une manière qui bouleverse les règles courantes de la stratégie militaire en positionnant son armée sur trois rangs. Le troisième rang, composé de vétérans de la campagne d'Italie, à plus de 200 mètres de l'autre servait de réserve, utilisable en renfort. Il fait placer en première ligne 80 éléphants, en deuxième ligne les mercenaires gaulois et ligures, Aux deux ailes se trouve la cavalerie; à droite, celle des Carthaginois, à gauche, celle des Numides, commandée par le roi des Masaesyles, Syphax.
Le plan d'Hannibal consiste à faire charger les éléphants, puis envoyer les mercenaires gaulois et ligures dans un premier assaut qui doit affaiblir les Romains, ensuite faire intervenir la ligne des Carthaginois beaucoup plus solide et, enfin, les vétérans italiens pour assurer la victoire.
A la vue du plan de bataille carthaginois, Scipion change radicalement la manière de disposer ses troupes. Rompant avec la formation compacte en quinconce de l'infanterie, utilisée par l'armée romaine, Scipion laisse des passages libres entre les manipules (unités tactiques de la légion) et place dans ces intervalles des vélites, ou soldats d'infanterie légère qui pourront évoluer facilement et désorienter les éléphants. À l'aile gauche, il dispose la cavalerie romaine sous le commandement de Caio Lelio et, à la droite, la cavalerie des Numides conduite par Masinissa, allié des Romains.
Conformément au plan d'Hannibal la charge des éléphants marque le début du combat. Mais, affolés par le vacarme des clairons et des cors romains, les pachydermes se retournent contre leur propre armée. Seuls quelques-uns continuent à avancer vers les troupes romaines. C'est alors que la disposition adoptée par Scipion montre sa supériorité : les cornacs engagent leurs bêtes dans les passages laissés libres et les vélites peuvent lancer leurs javelots sur les flancs des animaux, exposés des deux côtés à la fois.
Les deux ailes de l'armée d'Hannibal, les cavaleries carthaginoise et numide, font les frais de la débandade des éléphants. Lorsque, à leur tour, les deux infanteries s'affrontent, les forces sont déjà inégales.
Les auxiliaires gaulois et ligures, comme Hannibal l'a prévu ne peuvent longtemps résister et se mettent à reculer vers la troisième ligne, celle des Carthaginois et des Africains. Ceux-ci refusent de leur faire place dans leurs rangs et se battent pour repousser à la fois leurs mercenaires et les Romains.
Scipion adopte ensuite la tactique utilisée par Hannibal lors de la bataille de Cannes : la deuxième et la troisième ligne des légionnaires sont envoyées aux ailes et commencent un mouvement tournant encerclant les Carthaginois qui continuent à se battre contre la première ligne. A partir de ce moment, la victoire est acquise pour les Romains. Privés de l'aide des éléphants, de leur cavalerie, de leurs mercenaires, les Carthaginois prennent la fuite. Environ 20 000 hommes ont péri dans leurs rangs. 10 000 ont été faits prisonniers ainsi que 11 éléphants. Les Romains quant à eux, n’ont à déplorer qu'environ un millier et demi de morts.
La victoire de Zama due essentiellement à l'aide et à la combativité de Masinissa et de ses hommes paya largement à Rome la dette qu'il avait contractée envers elle.
Ayant pu regagner Carthage, Hannibal déclare à ses concitoyens qu'il vient de perdre non une bataille, mais la guerre. Carthage doit accepter un traité de paix désastreux : elle perd l'Espagne, doit livrer sa flotte et ses éléphants de combat, et payer en cinquante annuités une indemnité de 10000 talents (environ 50 millions de francs-or). Revenu à Rome, Scipion célèbre un triomphe magnifique et reçoit de ses soldats le surnom d'Africain.
Carthage fut soumise à céder toutes ses villes de Libye, à restituer tous les prisonniers et esclaves fugitifs, à livrer tous leurs vaisseaux de guerre à l'exception de dix trirèmes, à remettre tous les éléphants, à ne faire la guerre à aucun peuple en dehors de la Libye, en Libye même (ils ne la feront pas sans autorisation); à remettre à Masinissa « les habitations, les terres, les villes et tout ce qui a appartenu à ce roi ou à ses ascendants, à l'intérieur des limites qui leur seront indiquées…. »
Cette dernière clause ne plut guère à Masinissa, la restriction apportée « dans les limites qui seront indiquée » le fit douter du désintéressement de Scipion; il ne l'exprima pas, mais agit, par la suite pour agrandir son royaume, sans tenir compte de ces « restrictions » très vagues.
Il reçut, toutefois, « devant toute l'armée, don de Korta et des autres villes et territoires du royaume de Syphax qui étaient tombés au pouvoir du peuple romain et que le prince massyle joignit désormais au royaume de son père...
Contrairement au traité de paix de la première guerre punique qui sanctionnait les limites entre deux aires d'influence, la paix conclue par les Carthaginois après cette défaite sur leur sol marqua l'hégémonie de Rome sur la Méditerranée occidentale. Carthage perdit l'Espagne et n'eut plus qu'un faible pouvoir de contrôle de sa périphérie proche. Or cette même aire d'influence fut par la suite progressivement grignotée par Massinissa qui profita de l'impuissance de l'ancienne orgueilleuse cité ; toutefois, Carthage entreprit avec succès de développer son agriculture dans sa « chôra » (territoire continental) et se mit à retrouver peu à peu une partie de sa richesse ancienne.
Lors de la troisième guerre punique, Carthage n'était plus une véritable menace pour Rome. Mais celle-ci prit pour prétexte la tentative de riposte des Carthaginois aux grignotages incessants des Numides pour intervenir en Afrique et détruire la ville après un siège de trois ans.