Historine s'intéresse aujourd'hui à Constantinople ... et surtout à sa chute le 29 mai 1453 .... Pour beaucoup, c'est en cette année 1453 et à cette date précise que prend fin l'ère Médiéval et le Moyen Age et que commence l'époque moderne ... La Renaissance n'est pas loin...
La chute de Constantinople
En 1449, lorsque le basileus Constantin XI Paléologue quitte Mystra en Morée pour succéder à son frère Jean VIII, Constantinople, la reine des villes, ne domine plus un vaste Empire. L'empereur peut à peine franchir les murailles de sa capitale et ses sujets ne peuvent gagner le Péloponnèse byzantin que sous la protection des galères latines. Le port est encore actif et fait vivre une cinquantaine de milliers d'habitants, dont des marchands latins. Sur l'autre rive de la Corne d'Or, Péra, colonie génoise, reçoit une grande part du trafic qui transite par le Bosphore.
Les murailles de Constantinople
Le vieil empire, qui avait survécu aux assauts des Arabes aux VIIe et VIIIe siècles, avait reculé depuis la fin du XIe siècle face aux Turcs. S'il avait finalement contenu la poussée des Seldjoukides, il n'avait pas résisté longtemps, affaibli par près de soixante ans d'occupation latine, aux attaques des tribus turcomanes. L'une de ces dernières, celle de l'émir Osman, s'était établie en Bithynie et n'avait cessé depuis de s'étendre aux dépens des chrétiens comme à ceux des autres émirs turcs. Les Ottomans avaient écrasé les Bulgares, les Serbes, les Grecs et s'étaient rendus maîtres des Balkans, à l'exception de la Morée. En Asie Mineure leur expansion fut plus lente et même un temps freinée par la défaite, en 1402, du sultan Bayezid face à Tamerlan.
Pour résister à un adversaire toujours plus redoutable, les Byzantins essayaient de s'allier à des émirs turcs encore indépendants ou de faire appel aux Latins, qui commençaient à s'inquiéter de l'avance turque en Europe au point que Vénitiens et Génois mettaient de côté leur traditionnelle rivalité. Cependant seule la papauté pouvait susciter une croisade de secours, mais elle souhaitait que fût rétablie au préalable l'Union des Églises, rompue depuis 1054. De plus les circonstances n'étaient guère favorables puisque deux des principales puissances de l'Occident, la France et l'Angleterre, étaient engagées dans une guerre que nous appelons guerre de Cent Ans. En 1438-1439, un concile tenu à Florence puis à Ferrare avait finalement abouti à l'Union des Églises, mais la croisade qui en résulta, conduite par le roi de Hongrie, désormais en première ligne face aux Turcs, fut écrasée à Varna en 1444. Tout espoir de nouvelle expédition était abandonné pour un long moment.
Les protagonistes
Pourtant, en 1451, une certaine sérénité s'empara des chancelleries occidentales. On venait d'apprendre la mort du redoutable sultan Mourad et la proclamation à Edirne/Andrinople, la capitale ottomane, de son fils Mehmet II. Ce jeune homme de dix-neuf ans, né d'une esclave turque, rassurait car son père, Mourad, après lui avoir confié le gouvernement de l'Empire à titre d'apprentissage, l'avait finalement renvoyé à Manisa, dans une province d'Asie Mineure. On attend donc peu d'initiative de la part de ce souverain inexpérimenté. De fait, le nouveau sultan confirme les traités signés par son père. Les ambassadeurs de Constantin XI sont bien accueillis et Mehmet II jure sur le Coran qu'il ne touchera pas au territoire byzantin.
Homme cultivé, il passe pour connaître le grec, l'arabe, le latin, le persan, l'hébreu. Cet homme pieux, n'était son goût pour l'alcool, était secret mais énergique. Sur le plan politique, il percevait parfaitement que l'Empire ottoman n'aurait pas atteint son équilibre avant d'avoir éliminé cette ultime trace de l'Empire chrétien d'Orient, toujours capable de susciter une croisade contre lui, sans compter que la possession d'un tel site stratégique sur le Bosphore accroîtrait la sécurité et la prospérité de ses États.
Si attaquer Constantinople constituait un objectif prioritaire, l'entreprise n'était pas sans danger car Mourad, qui avait déjà tenté, mais en vain, de s'en emparer, avait encore été arrêté par les formidables murailles de la ville. Un échec devant la vieille cité impériale pouvait entraîner des révoltes dans les provinces européennes et provoquer la désagrégation de l'Empire ottoman, qui avait déjà failli survenir après la défaite de Bayezid en 1402. Telle était la position de Khalil Pacha, principal conseiller de Mehmet II et ancien vizir de son père, qui était sans doute aussi payé par les Grecs pour modérer les ardeurs potentielles de Mehmet II. Ce dernier céda aux arguments de Zaganos, qui appartenait au cercle des proches du souverain, et le poussait à une action d'éclat qui assoirait son prestige, notamment dans l'armée.
Constantin XI, fils de Manuel II Paléologue et de la princesse serbe Hélène Dragash, était au contraire rompu aux affaires de l'État. Il avait gouverné le Péloponnèse, comme despote de Mystra, pendant que son frère Jean VIII régnait à Constantinople. Il avait pu mesurer la puissance de l'armée turque. Accompagné de Jean Cantacuzène, son meilleur général, il avait repris les derniers territoires latins du Péloponnèse, puis s'était aventuré jusqu'en Béotie, mais Mourad l'avait repoussé et les fortifications de l'isthme de Corinthe avaient été emportées par l'artillerie ottomane. Après avoir été couronné à Mystra le 9 mars 1449, Constantin avait gagné sa capitale sur des galères catalanes, laissant ses frères Thomas et Dèmètrios gouverner le Péloponnèse. Il administrait Constantinople avec l'appui du méga-duc (grand amiral), le fort riche Luc Notaras. En effet, si l'État byzantin était dans le plus extrême dénuement, de belles fortunes marchandes subsistaient dans des mains privées.
Constantin XI
Les préparatifs de Mehmet II
Constantin XI commet l'erreur de demander la rente annuelle que devait verser Mehmet II pour l'entretien du prince ottoman Orkhan, qui résidait à Constantinople et que l'empereur pouvait envoyer disputer le trône au sultan. Ce dernier, mécontent, tient un prétexte pour commencer les opérations. Il décide la construction d'une forteresse au plus étroit du Bosphore, Roumeli Hisar. Pour sa construction en quelques mois, des églises et des monastères furent détruits pour récupérer les matériaux. Mehmet fait ensuite décapiter les ambassadeurs de Constantin. Durant l'année 1452, trois canons sont établis à Roumeli Hisar pour obliger tout navire à s'arrêter. Un bateau vénitien, qui n'obtempère pas, est coulé ; son équipage, capturé, est décapité, sauf le capitaine, empalé. L'Occident comprend alors que le sultan n'est pas un pacifiste.
Le moment était bien choisi, car les principales puissances d'Occident étaient engagées dans des conflits. Il est bien tard pour réagir efficacement. Venise s'efforce de sauvegarder ses établissements en Méditerranée orientale. Gênes, aux prises avec une guerre locale, est également impuissante ; au reste, le podestat génois de Péra a pour instruction d'éviter un conflit avec les Turcs. Le pape Nicolas V est également sollicité, mais il est dépourvu de ressources militaires. Constantin XI promet toutefois de rendre effective l'Union des Églises décidée au concile de Florence/Ferrare. Isidore, ancien métropolite de Kiev et de toute la Russie, devenu légat pontifical, passe par Naples où il recrute deux cents archers aux frais du pape, puis gagne l'île de Chios, alors possession génoise, d'où il emmène l'archevêque Léonard. Tous deux arrivent à Constantinople le 26 octobre 1452.
La venue des prélats latins provoque une polémique car, si Isidore est plein de tact, Léonard veut faire arrêter les anti-unionistes. Si jamais la phrase de Luc Notaras « plutôt le turban turc que la mitre latine » n'est pas apocryphe, c'est au comportement de Léonard qu'il faut attribuer la mauvaise humeur du méga-duc. Luc Notaras, comme la majorité des dirigeants byzantins, n'était pas hostile aux Latins, puisque toute sa fortune était placée à Venise et à Gênes, dont il était du reste citoyen. Il avait envoyé sa fille aînée, Anne, à Venise pour qu'elle échappe au siège et administre ses biens. Gennadios Scholarios, le principal opposant à l'Union, exhorte ses concitoyens à ne pas abandonner la foi de leurs pères pour un secours matériel. Ce discours est plutôt mal reçu et le 12 décembre 1452, à Sainte-Sophie, une cérémonie prend place en présence de l'empereur et toute la cour, sauf quelques anti-unionistes, au cours de laquelle les décrets du concile de Florence sont lus.
La venue des prélats latins provoque une polémique car, si Isidore est plein de tact, Léonard veut faire arrêter les anti-unionistes. Si jamais la phrase de Luc Notaras « plutôt le turban turc que la mitre latine » n'est pas apocryphe, c'est au comportement de Léonard qu'il faut attribuer la mauvaise humeur du méga-duc. Luc Notaras, comme la majorité des dirigeants byzantins, n'était pas hostile aux Latins, puisque toute sa fortune était placée à Venise et à Gênes, dont il était du reste citoyen. Il avait envoyé sa fille aînée, Anne, à Venise pour qu'elle échappe au siège et administre ses biens. Gennadios Scholarios, le principal opposant à l'Union, exhorte ses concitoyens à ne pas abandonner la foi de leurs pères pour un secours matériel. Ce discours est plutôt mal reçu et le 12 décembre 1452, à Sainte-Sophie, une cérémonie prend place en présence de l'empereur et toute la cour, sauf quelques anti-unionistes, au cours de laquelle les décrets du concile de Florence sont lus.
Tout est en place pour le dernier acte de la tragédie....
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